Présentation du navire
Abandonnez le navire !
Wind Song, une chanson triste
Le WindStar, son sistership
 
Abandonnez le navire !

xx

Dans la nuit du 30 novembre au 1er décembre, le Wind Song se trouve entre Raiatea et Huahine.
Raymond Ross, passager de la cabine 108 lors de cette croisière, raconte :
 
"Un réveil que je n'oublierai pas de sitôt"
Photos et récit original: Raymond ROSS

"Nous en étions à notre seconde nuit de croisière dans le Pacifique Sud, une croisière dont la plupart d'entre nous avaient rêvé pendant des années. Nous nous trouvions sur le superbe yacht 5 étoiles Wind Song, affrêté par WindStar Cruises. Il était prévu d'accoster sur l'île mythique de Bora Bora, de même qu'en d'autres lieux tout aussi magiques mais moins connus de la Polynésie Française.

Nous avions passé notre première journée sur l'île de Raiatea. En début de soirée, une troupe traditionnelle de danseurs et de chanteurs Polynésiens, pleine de talent, était montée à bord pour interpréter son spectacle "Enfants de Raiatea".
Que demander de mieux ?

Le navire quitta Raiatea à 22h30 pour effectuer la traversée jusqu'à notre prochaine escale, Huahine.

Mais à 2h du matin environ, le dimanche 1er décembre 2002, les passagers furent soudainement tirés du sommeil par le signal sonore que l'on nous avait présenté dans les consignes de sécurité. 7 tonalités courtes suivies par une longue. La voix du capitaine annonça par les hauts-parleurs que tous les passagers devaient revêtir leur gilet de sauvetage, et se rendre immédiatement au point de rassemblement le plus proche, ceci en raison d'un début d'incendie en salle des machines.

3h14am. Après avoir attendu dans le salon pendant environ 45 minutes, la température dans la zone isolée de l'incendie ne descendait pas. Le capitaine demanda à tous de monter dans les canots de sauvetage, "par précaution". Je me retrouvais dans le canot n°4, à babord.


3h20am. La jeune femme responsable de notre canot (Canadienne, nommée Vicky?).

L'embarcation fut rapidement chargée de bouteilles d'eau, de jus de fruits, et de sachets pour le mal de mer. Par chance, ce canot était ouvert, nous pouvions donc profiter d'une légère brise fraîche, et voir les étoîles scintiller dans le ciel au-dessus du Wind Song.

Un décompte de tous les passagers fut fait, pour s'assurer que personne ne manquait à l'appel. Une femme anglaise (cheveux bouclés noirs... notre commissaire de bord ?) nous demanda si personne n'avait de médicaments importants à prendre dans les 8 prochaines heures (pour le diabète par exemple). Les membres d'équipage retournèrent dans les cabines chercher ces médicaments, mettant en jeu leur propre sécurité.

La fumée continuait de s'échapper par les cheminées du navire. C'était la seule indication visible de l'incendie depuis l'arrière du navire, où nous nous trouvions.

Par les hauts-parleurs, nous entendions la voix du capitaine à peu près toutes les demi-heures. Il nous remerciait pour notre patience dans ces conditions inconfortables, mais nous rappelait que nous étions à "l'endroit le plus sur du navire". Lui et le premier officier vinrent en personne assurer aux passagers qu'ils leur donnaient toutes les informations en leur possession. La nouvelle qu'un ferry de 200 passagers faisait route vers nous depuis Raiatea fut vraiment la bienvenue.

Vers 4h30am, un petit bateau de plongée, brillant de tous ses feux, arriva et commença à décrire des cercles autour du Wind Song. C'était la première indication concrète que nous n'étions pas seuls !
 

Abandonnez le navire !
5h04am. BANG! Après plus de deux heures d'attente dans les canot de sauvetage d'une hypothétique annonce que l'incendie était maîtrisé, une explosion brève mais soudaine vers l'avant du navire envoya un panache de fumée sur les cotés. Quelques secondes plus tard, le capitaine ordonna à plusieurs reprises "Abandonnez le navire"
Cette photo vise l'avant du navire, coté babord. En arrière plan, le panache de fumée se détache du ciel.
Je ne sais plus pourquoi les passagers se serraient à l'intérieur du canot, mais je crois que c'était à cause des instructions des membres d'équipage, qui devaient être "faites de la place, l'équipage va embarquer sur le canot"

Le canot déjà bondé accueillit (volontiers) les 10-20 membres d'équipage, y compris la jeune femme canadienne qui avait veillé sur nous, le personnel hotelier, et plusieurs techniciens du bord.

Le canot descendit tel un jouet suspendu à deux cordes.


5h08am les techniciens ont la situation bien en main.

Notre canot n'avait aucun endroit où s'accrocher, tous les passagers s'agrippèrent donc fermement les uns aux autres.

Le moment le plus inquiétant fut lorsque les crochets furent détachés des deux extrêmités du canot, pour le libérer. Ces énormes pièces de métal allaient et venaient dans tous les sens, le navire et le canot prenant chacun les vagues de manière indépendante. Tout le monde se baissait, et tremblait pour les membres d'équipage chargés de décrocher les attaches, qui risquaient à tout moment d'être grièvement blessés, voire ejectés du canot.

Ironie du sort, un des hublots que l'on aperçoit sur la photo ci-dessus est très probablement celui de notre cabine, la n°108. A aucun moment, en regardant par ce hublot, nous n'aurions pu imaginer que nous nous retrouverions de l'autre coté, dans ce canot. Mais c'était probablement le meilleur endroit où se trouver en de pareilles circonstances.

5h08am. Le canot couvert devant nous se pencha dangereusement en s'approchant de la mer.
Puis il descendit enfin, et fut décroché sans incident majeur.

A cet instant, nous apercevions deux canots gonflables disposés à l'avant, ce qui nous confirmait à quel point la situation était sérieuse.
 
5h08am. Notre canot s'éloigna du Wind Song. Qu'en était-il des membres d'équipage restés à bord? Quelqu'un avait-il été blessé ou tué lors de l'explosion? Qu'allait-il se passer désormais ?

5h09am. Le lever du soleil nous apporta une meilleure visibilité, et nous étions soulagés que l'évacuation n'ait pas eu lieu en pleine nuit, dans l'obscurité. (...)

A cet instant, un petit avion bimoteur (armée française?) décrivit plusieurs cercles dans le ciel, à basse altitude. Un autre signe rassurant, qui confirmait que notre évacuation était sous le contrôle des autorités.

5h13am. L'équipage technique du canot n°4.

5h15am. Le canot couvert s'approcha. Le jeune homme qui se trouve devant l'entrée sur la photo (Anglais? Le moniteur de plongée du Wind Song ?) s'occupera plus tard des personnes évacuées, pour faire l'appel des passagers et des membres d'équipage, distribuer les passeports, nous informer de la suite des evênements...

 
 

Sauvés !
 
5h21am. Les passagers de l'autre canot ouvert embarquent sur le ferry venu de Raiatea. Le petit bateau de plongée se trouve à coté.

La fumée continue de s'échapper du Wind Song, les deux canot de sauvetage gonflables toujours disponibles, à la disposition des membres d'équipage restés à bord. Nous apprendrons plus tard que 17 personnes étaient restés pour lutter contre le feu et protéger le navire.


5h24am. Ce fut notre tour de monter à bord du ferry.

5h28. A l'intérieur du ferry. Beaucoup de passagers vêtus seulement du peignoir de leur cabine. Moralité: ce qui semble parfois superflu dans certaines circonstances peut se révéler très utile en d'autres occasions.

 
6h34am. Les gilets de sauvetage, et les passagers/membres d'équipage en route pour Raiatea.


8h01am. A l'approche de Raiatea. Le trajet en ferry aura duré environ deux heures.




Sur la terre ferme
 
8h16am. La police, les pompiers et le personnel médical nous attendaient. Des journalistes armés de caméras étaient à la recherche de personne à interviewer. Des tables avec pain, confiture, café, jus de fruits, des couvertures... C'était comme si tous les habitants de l'île étaient venus pour nous aider.

Mais avant toute chose... le dernier arrivé au magasin de vêtements, de l'autre coré de la rue, serait contraint de rentrer tout nu à Tahiti ! Un mouvement de foule s'ensuivit donc en direction du rayon prêt-à-porter du petit magasin chinois, le seul ouvert un dimanche matin. Si vous pensez que les achats du lendemain de Noël sont toujours assez médiocres, c'est que vous n'avez jamais vu quelque chose d'aussi désespérant !

Suite à cette courte escale à Raiatea, la plupart, sinon tous les passagers, rentrèrent en avion à Tahiti, par les vols charter ou réguliers d'Air Tahiti (ce trajet dure environ une heure), et furent accueillis à l'hotel Sofitel.

Notre avion décolla de Raiatea à environ 12h15pm. A notre arriv&eacut e;e à l'aéroport de Tahiti, plusieurs autocars nous attendaient. J'ai appris plus tard que le Ministre du Tourisme se trouvait là, en personne. Nous fumes conduits à l'hôtel, escortés par des véhicules de la police, tous girophares allumés.
 
 

Nos héros

9h00am., le lundi 2 décembre. Hotel Sofitel, Tahiti.
 
Le représentant marketing de la compagnie WindStar est venu de Seattle pour rencontrer les passagers (seulement 31 heures après que l'alarme du Wind Song ne retentisse à bord du Wind Song). Il répondra à nos questions, et nous dira que la compagnie fera le nécessaire pour assurer le reste de notre séjour(*), tout en protégeant le Wind Song pour pouvoir récupérer nos effets personnels. A cet instant, personne ne sait si le feu a atteint ou non les cabines des passagers. Mais le point le plus important est l'annonce qu'aucun des passagers et des membres d'équipages n'a été grièvement blessé.(**)

Mais surtout... un grand merci à ceux des membres d'équipage qui ont pris soin de nous, et nous ont permis d'évacuer le navire en toute sécurité.


Les passagers font une standing ovation pour les membres d'équipage.

La plupart d'entre nous portons la toute nouvelle "tenue officielle du Wind Song", qui consiste soit en un t-shirt arborant un motif d'arts martiaux, soit en un pareo aux couleurs locales - les deux nous ayant été offerts par la compagnie WindStar à notre arrivée à l'hotel, ainsi qu'un nécessaire de toilette, etc. La compagnie a vraiment tout fait pour anticiper les moindres de nos besoins, et a fourni un travail remarquable dans une situation aussi précaire.
 

(*) R.Ross ajoutera ultérieurement que la compagnie WindStar a proposé aux passagers de rentrer chez eux, ou bien de rester en Polynésie pour le reste de leurs vacances. C'est cette dernière solution que la plupart choisiront, ils passeront donc une semaine à Moorea à l'hôtel Intercontinental ou au Pearl Resort, tous frais payés (repas, boissons, vins...) Par la suite, le prix de la croisière ainsi que des billets d'avion leur sera remboursé, et ils se verront offrir une nouvelle semaine de croisière (7 jours) sur la destination de leur choix.

(**) R.Ross évoquera plus tard qu'un des passagers avait été conduit à l'hôpital à la suite de l'évacuation, mais c'était pour un simple mal de mer; à sa connaissance aucun membre d'équipage n'a été blessé, bien qu'il doute que ce type d'information ait pu être communiquée aux passagers, le cas échéant. La presse confirme que personne n'a été blessé (voir rubrique suivante art. du 01/12/2002) qui ajoute qu'une femme enceinte a également été conduite à l'hopital "par précaution".

Traduit de l'anglais par E. Dubreucq
Texte original :  http://members.optusnet.com.au/~raymond_ross/
Note: Les heures correspondantes au sauvetage ont été enregistrées par l'appareil-photo.
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